Lorsqu’on évoque Montmartre, impossible de ne pas penser à ses multiples lieux festifs, qui inspirèrent tant d’artistes au début du XXème siècle. Ce qu’on ignore en revanche, c’est comment cette butte, à l’origine lieu de pèlerinage, puis grenier de Paris, a hérité de cette réputation enflammée. Explications en 3 points !
Un centre religieux incontournable
Alors qu’on trouve des vestiges de temples romains et d’une première église fondée au VIème siècle, le « Mont des martyrs » trouve l’origine de son succès dans le mythe de Saint-Denis, victime des persécutions chrétiennes et supposé avoir été décapité à cet endroit. Au XIIème siècle, le roi Louis VI le Gros y fonde l’abbaye royale des Dames de Montmartre. Le rayonnement spirituel des lieux est indéniable sur toute la région, et les pèlerins, illustres et anonymes, s’y pressent en grand nombre.
De 1133 à 1789, l’abbaye, qui fut dirigée par 46 abbesses (d’où le nom de la place et de la station de métro situées à son emplacement), s’étend des collines de Montmartre jusqu’au niveau de l’actuel quartier Saint-Lazare. La puissante organisation religieuse participe alors au développement de l’agriculture dans les alentours.
Le grenier de Paris
Bénéficiant de la proximité avec la capitale, l’agriculture se développe sur les collines de Montmartre. Grâce à sa hauteur et ses vents, la construction de nombreux moulins servent à moudre le grain cultivé dans la région parisienne. Au plus fort de cette exploitation, Montmartre compte une centaine de moulins et fournit, comme ses voisins de Ménilmontant ou Charonne, les Parisiens en farine, vins et légumes.
Les rues sinueuses, témoins de ce passé agricole, rappellent les chemins que les animaux empruntaient pour amener les blés jusqu’aux moulins (on raconte d’ailleurs que la rue Lepic, utilisée par Napoléon pour grimper vers l’église Saint-Pierre, provient d’un tracé déjà emprunté par les chevaux). La rue de l’Abreuvoir tire, elle, son nom de l’ancien abreuvoir qui se trouvait dans le creux. Les bêtes venaient se désaltérer après leur labeur dans les carrières, les champs et l’acheminement du blé.
L’abbaye décline progressivement et les meuniers voient leurs activités s’amoindrir. La concurrence des plaines de la Brie, de l’Oise et de la Beauce, ainsi que l’arrivée du mur des Fermiers Généraux en 1784 au pied de la butte, obligent les meuniers à diversifier leurs activités.
La réhabilitation des moulins en guinguettes
La butte étant située au pied du mur des Fermiers Généraux, la nourriture et le vin y sont moins onéreux que dans l’enceinte de la capitale, où les marchandises sont systématiquement taxées. Avec la diffusion de la pratique de la promenade, de plus en plus de monde gravit la butte pour y respirer l’air de la campagne, à la différence de l’air irrespirable de Paris, engendré par les rues exiguës et le recours massif au bois de chauffage.
Les meuniers proposent alors aux passants de venir faire une pause à l’ombre de leurs moulins, en dégustant un verre de vin blanc et du fromage de chèvre. Devant le déclin agricole et l’arrivée de cette nouvelle activité nettement plus lucrative, de nombreux meuniers transforment leurs moulins en guinguettes, à l’image du moulin de la Galette.
À l’origine deux moulins se trouvaient à cet emplacement : le « Blute-fin » construit en 1622 et le « Radet » construit en 1717. La famille Debray, propriétaires, ajoute une guinguette et un bal en 1834 et rebaptise le tout « Moulin de la Galette », en l’honneur de ce petit pain de seigle, que les meuniers montmartrois débitent.
Si le succès est au rendez-vous et marque le début de l’incontournable histoire festive de la Butte, l’urbanisation de Paris voit la destruction progressive des moulins de Montmartre. Mais la légende artistique est en route !
Rue de l’Abreuvoir, 18ème arrondissement
Métro Lamarck-Caulaincourt
Moulin de la Galette, 18ème arrondissement
Métro Abbesses, Lamarck-Caulaincourt